L’Agora rencontre Agnès Bénassy-Quéré

Agnès Bénassy-Quéré était interviewée le 28 avril par l’Agora, tribune étudiante de l’EDHEC Business School. Notre nouvelle Rencontre est visionnable sur tous les réseaux sociaux, mais également en format podcast sur toutes les plateformes de téléchargement ! 

Une carrière prodigieuse

Économiste en chef du trésor, membre du cercle des économistes, professeure à la Sorbonne et à l’École d’économie de Paris, Agnès Bénassy-Quéré s’est fait une place d’exception dans ce milieu élitiste. Lors de ses études à l’ESCP, les risques pris par les entrepreneurs pour se lancer la fascinent tout autant que la micro et la macro-économie.

Bien que ses travaux portent principalement sur la politique économique et le système monétaire international, Agnès Bénassy-Quéré s’occupe d’autres sujets quotidiennement, puisqu’elle gère l’ensemble des politiques économiques et financières à l’échelle nationale, européenne et mondiale depuis sa nomination au poste de chef-économiste du Trésor en juin 2020.

L’annulation de la dette de l’État : une mesure inenvisageable

Si une minorité d’économistes plaident en faveur de l’annulation de la dette Covid-19, une grande majorité s’y oppose. Agnès Bénassy-Quéré s’associe à cette majorité et justifie sa position par la lenteur d’une telle procédure et par l’interdiction de cette opération dans les traités européens.

Concrètement, cette mesure signifierait que l’Etat fait défaut, c’est-à-dire qu’il ne serait plus en mesure de payer ses dettes, ce qui lèserait principalement les épargnants français. De plus, l’annulation de la dette de l’État provoquerait la suppression de l’actif et du passif du bilan de la Banque Centrale. Or, le passif étant représenté par les réserves des banques commerciales, cela constituerait des pertes pour tous les banques et finalement pour tous les agents économiques.

Finalement, le risque réel de cette mesure surviendrait le jour où les taux d’intérêts seraient trop faibles et l’inflation trop élevée. En effet, pour faire augmenter les taux d’intérêts et in fine faire baisser l’inflation, la Banque Centrale devrait payer un intérêt sur la réserve des banques en utilisant l’actif, inexistant puisque annulé, et le capital négatif. Il n’y aurait donc aucune solution viable ici puisque la création monétaire augmenterait l’inflation à son tour.

L’Union Européenne : entre croissance, politiques et fédéralisme

La croissance européenne est restée relativement faible ces dernières décennies. Malgré les stratégies de « rattrapage » des pays membres, l’Europe fait face à des freins structurels à la croissance. Agnès Bénassy-Quéré en évoque un en particulier : « l’inaboutissement du marché unique ». Le marché unique lui semble incomplet dans la mesure où des barrières subsistent sur le marché des capitaux et où l’union bancaire a des frontières. Depuis sa mise en circulation en 2002, la monnaie unique a conduit à la formation d’une union monétaire solide au sein de l’Union Européenne. Néanmoins, celle-ci peine à fonctionner de façon optimale sans union budgétaire.

A terme, la mise en place d’une solidarité budgétaire européenne sera nécessaire, notamment pour sortir d’une crise et pour relancer l’économie à l’échelle européenne. Agnès Bénassy-Quéré déplore son inexistence. Actuellement, les budgets nationaux fonctionnent individuellement et produisent des chocs asymétriques puisqu’ils ne sont pas gérés simultanément. En cas de crise, aucun mécanisme budgétaire fédéral ne peut être enclenché. Cependant, la mise en place d’une telle union requiert le vote la majorité des États membres.

Agnès Bénassy-Quéré propose de donner plus de pouvoir au Parlement Européen pour faire passer plus facilement certains projets. Mais cette idée déplait aux Pays du Nord de l’Europe puisqu’ils ne veulent pas « qu’il y ait d’impôt sans représentation », ils vérifient que « le pouvoir de décision et le porte-monnaie » soient alignés. Pourtant le transfert du pouvoir des parlements nationaux vers le Parlement européen, élu démocratiquement, permettrait d’améliorer la solidarité européenne.

Relance après la crise :  comparaison de deux systèmes opposés

Les plans de relance de crise américain et européen sont très contrastés. D’une part, les États-Unis ont dû créer pour l’occasion un système de protection sociale, auparavant inexistant puisqu’il s’organisait autour d’assurances privées et facultatives. A l’inverse, le système de protection social européen était déjà solide et a pu absorber une grande partie du choc dès le début.

D’autre part, le calendrier vaccinal est bien plus avancé aux Etats-Unis, ce qui leur a permis de déconfiner et de commencer le plan de relance plus tôt. La stratégie française consiste à attendre et surveiller les indicateurs avant de rouvrir l’économie. Un plan de relance de 100 milliards d’euros est en cours de déploiement mais il n’a pas encore été entièrement dépensé. Tandis que le plan de sauvetage adopté par Joe Biden atteint 1900 milliards de dollars. Globalement, il est possible de résumer la stratégie américaine avec la phrase « agir puis réfléchir » et celle française par « réfléchir avant d’agir », deux modes de pensées bien opposés.

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