La démondialisation heureuse

 

Le lundi 19 novembre 2018, l’Agora recevait à sa tribune l’économiste Jacques Sapir pour une conférence sur le thème « La démondialisation heureuse ».

 

Lors de cette conférence Jacques Sapir nous a livrétrès exhaustivement sa vision du monde actuel ainsi que des grands enjeux politiques, sociaux et économiques.

 

Après avoir donné une définition de la démondialisation bien à lui : « Le retour de la décision politique face à la décision technique » et un rapide historique de l’organisation du commerce durant l’Antiquité dans un monde pas encore mondialisé, il nous fit part de ses critiques et inquiétudes quant à la mondialisation.

 

Il voit d’abord en celle-ci la cause de bien des maux pour l’environnement, pas seulement par le biais du concept de l’empreinte carbone mais plutôt au travers d’une empreinte écologique plus complète qui incluerait entre autres la dégradation des sols. Elle engendrerait également un appauvrissement des pays riches par la délocalisation ainsi qu’une destruction des pays pauvres et de leur population.

 

Jacques Sapir nous exposa le constat d’une France polarisée par la mondialisation, entre une France métropolisée et une France périphérique avec l’abandon de certains territoires nationaux plus assez compétitifs. Selon ses mots, reprenant la pensée de Marx, la mondialisation est alors facteur de fétichisation et de réification, c’est à dire de transformation de l’être vivant en marchandise et d’attribution de forces non-humaines à des résultats d’activités humaines comme les marchés.

 

La mondialisation éloigne les gouvernements des peuples et pour Monsieur Sapir, seules des mesures protectionnistes couplées à des blocages de capitaux et des accords bipartites entre états permettraient à ces derniers de recouvrer leur souveraineté en Europe. Ces accords porteraient notamment sur un taux de change fixe entre les monnaies nationales puisqu’il s’agirait alors de dissoudre l’Union européenne d’un bloc au même titre que la monnaie commune. Il y voit là une meilleure solution que des sorties successives du type « Brexit ».

 

L’Union européenne n’apparaît à ses yeux plus comme une institution cohérente dès lors qu’elle est en train d’agoniser sous les avis divergents des pays membres et leurs asymétries de puissance, particulièrement marquées entre l’Allemagne et les autres pays selon l’économiste. En prenant souvent l’exemple de la Russie, Sapir voulut nous démontrer que si certaines activités venaient à manquer dans ces protectionnismes, des mesures incitatives pour les investisseurs pourraient rapidement être prises pour pallier le problème.

 

Sapir se passerait également de l’OTAN qui « aurait dû être dissoute » et « qui n’a plus de raison d’être » puisqu’elle servaittroisbuts : Keep Germany down, garder l’Allemagne à un niveau de puissance modéré ; Keep the Soviet Out, garder les Soviétiques hors de l’Europe politique ; Keep USA in, créer un cadre institutionnel qui lie la défense américaine à la défense européenne. Aujourd’hui ces 3 buts apparaissent comme caduques.

 

Finalement même si les protectionnismes connaissent une ascension et que les revendications nationalistes sont exacerbées, Jacques Sapir condamne cette alliance et les mouvements identitaires. En revanche il ne condamne pas la notion d’identité de la France qui lui semble importante. Les identités culturelles sont intéressantes quand elles ne tombent pas dans le communautarisme et citant Cicéron : « Le peuple ce n’est pas la multitude, le peuple est constitué par l’adhésion de personnes à des institutions ».

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